Victor Hugo sur la burqua ?
Extrait des "Misérables"

2 février 2010 par Alain Lipietz

Victor Hugo nous avait laissé, à la fin du cinquième livre de la seconde partie des Misérables, au moment où Jean Valjean, trainant par la main la petite Cosette, avait semé l’ignoble Javert et ses sbires en franchissant le mur impressionnant du couvent de Picpus, dans le futur douzième arrondissement. Mais, au lieu de nous raconter directement comment notre héros parviendra, sous le nom de Fauchelevent, à rester planqué comme jardinier du couvent jusqu’à l’adolescence de Cosette, l’auteur, comme il en a l’habitude, commence le sixième livre par une interminable digression.

La cible en est, sur cinquante pages bien serrées, l’institution des couvents catholiques où, de force ou de gré, des religieuses s’étiolent cloîtrées, s’infligeant les unes aux autres ou à elles-mêmes les plus épouvantables contraintes. À partir du cas fantaisiste du Couvent de Picpus de « l’obédience de Martin Varga des bernardines de Cîteaux », l’auteur, de manière fort documentée (mais avec Hugo…) livre une charge épouvantable de ces enfermements plus ou moins volontaires, où les pires renoncements, les pires sévices, les tortures les plus sadiques, les macérations les plus masochistes, accompagnent de jeunes femmes jusqu’à la folie et à la mort. Auprès d’une telle charge, [?Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot] dont la mise en image par Rivette subira les foudres de la censure gaulliste quelques mois avant Mai 68, ou les films japonais de genre « SM au Couvent » tels Le couvent de la Bête sacrée, passent pour d’aimables bluettes. Jamais on n’a vu charge plus féroce contre une institution (qui reste fréquentée) de la religion catholique. La dénonciation est menée non seulement au nom de la maltraitance d’autrui, mais de manière politique et philosophique : celles qui s’enferment et se macèrent de leur plein gré ont droit à une charge tout aussi féroce.

On serait tenté de mobiliser ce texte au service d’une loi contre l’enfermement portatif de celles qui, de bon ou de mauvais gré, enfilent une burqua ou un niquab pour aller faire leur courses en France, voire meme dans certains pays se rendre à la fac. Pourtant Hugo, Père de la République, termine ce pamphlet par trois pages que les zélateurs de la « répression pour leur bien des musulmanes opprimées » feraient bien de méditer.

Sur le couvents d’aujourd’hui, lire le beau livre de Catherine Baker Les contemplatives.

Cliquer ci-dessous pour lire les 3 pages de Hugo en pdf.

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