Commmuniqué
Tobin : la LCR s’enlise

15 février 2000 par Alain Lipietz

Face au tollé général qui a salué le choix des députés trotskistes européens de faire tomber le projet de "taxe de Tobin", la direction de la Ligue Communiste Révolutionnaire déploie un argumentaire en trois points.

Roseline Vachetta, qui le présente dans les colonnes de Libération du 15 février, omet le premier point : "Les Verts, dont 5 députés sur 49 étaient absents, n’ont pas jugé eux-mêmes que c’était un vote important". On la comprend : elle-même (représentant la moitié des élus LCR !) a préféré ce jour-là aller militer sur un autre front. Le Parlement ne vote pourtant que 3 jours par mois ? Mais cette absence lui permet d’asséner avec plus de vaillance les arguments 2 et 3 : le coût d’un vote positif eût été abominable, le gain eût été dérisoire. En refusant de publier le texte de ce qui était mis aux voix, la presse aurait trompé les lecteurs.

Roseline Vachetta prend soin de recopier les considérants, en effet abominables, qui justifient, aux yeux des trotskistes, le rejet de la taxe de Tobin : elle "débarrasserait les marchés financiers globalisés de leurs excès", elle "garantirait à terme une plus grande stabilité économique et sociale", bref elle diminuerait la révolte des masses et leur désir de révolution. C’est parfaitement exact, et c’était en effet le but de James Tobin, qui n’avait rien d’un rouge. Si la LCR n’avait pas encore réalisé le caractère non révolutionnaire, voire carrément réformiste de cette taxe, elle doit désormais s’interroger sur sa participation aux groupes ATTAC.

On s’étonne donc de voir notre collègue regretter que la résolution qu’elle a contribué à faire échouer n’allait pas assez vite et loin dans la mise en place de la taxe de Tobin ! En réalité, elle sait bien que ce troisième argument est le seul que peuvent entendre les militants d’ATTAC qui, eux, veulent cette taxe. Et là, elle omet étrangement de citer le texte et le réduit à la demande d’un "rapport sur la faisabilité". Voici donc un extrait de ce fameux texte :

"9. [le Parlement] souhaite que, dans ce contexte, la Commission établisse, dans les six mois, un rapport quant à l’intérêt et à la faisabilité d’une taxe sur les mouvements de capitaux spéculatifs internationaux- en examinant notamment sous quelles conditions concrètes l’introduction d’une telle taxe pourrait être envisagée ;

10 [il] invite dès lors la Commission et le Conseil, en préparation de la prochaine réunion annuelle du FMI, à élaborer un document de synthèse sur ces questions, lequel sera soumis au Parlement européen."

Ces articles ne font que refléter précisément la seule procédure possible : le Parlement, qui hélas n’a pas le pouvoir d’initiative législative, demande à son gouvernement (la Commission) de lui présenter quelque chose ("dans les 6 mois"), que lui-même pourra alors amender et voter. C’est compliqué ? C’est réformiste ? C’est le travail parlementaire. La LCR n’était pas obligée de s’y faire élire ?



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