Guerre en Irak
Réponse à Paul Lannoye

28 mars 2003 par Daniel Cohn-Bendit

Cher Paul,

Depuis ma tendre enfance, j’adore les remontrances sur mon caractère infantile, anti-autoritaire et sur mon manque d’éducation. Malheureusement, aucun des précepteurs moraux qui se sont pourtant attelés à me changer n’y est parvenu. J’avoue que, vu mon âge, mon cas est plutôt désespéré.

En ce qui concerne le vote sur la résolution à propos de l’Irak ; Je tiens tout d’abord à corriger certaines erreurs de ta part qui sont, indubitablement, involontaires vu ton caractère droit et l’acuité de ta réflexion qui ne connaît aucune bavure. Si dans ce vote nous avons perdu sur le constat du caractère illégitime de cette guerre vu l’absence de légitimation par l’ONU, c’est bien à cause du vote négatif de 28 députés de la GUE sur ce paragraphe étant donné qu’il nous manquait 14 voix pour qu’il passe. Je te suggère de lire le mail de Paolo que j’annexe à cette lettre et qui, bien qu’il te soit parvenu, a dû t’échapper -sans quoi ta réflexion aurait immanquablement était différente.

Deuxièmement, il n’a jamais été question de faire un compromis avec le PPE puisque, dès le début des négociations, la stratégie était d’isoler le PPE et de créer une alliance entre les Libéraux qui s’opposaient à la guerre, les Socialistes et nous. Laissant par ailleurs à la GUE la mission historique de faire la révolution. C’est donc vraisemblablement mon incapacité verbale qui a dû rendre mon explication de cette stratégie à la réunion du groupe totalement inaudible.
Dès lors, et fort malheureusement, je persiste et signe : faire passer cette résolution avec les amendements ou les parties de textes que nous avons perdus à cause du "Non révolutionnaire " était bien la bonne stratégie. Et je suis d’autant plus conforté dans cette idée après les réactions ravies et radieuses du PPE se félicitant des petits bataillons de la GUE !

Au moment du vote de jeudi, nous étions exactement dans la même situation que le jour où nous avons perdu le vote sur la taxe Tobin à cause du refus révolutionnaire.

En conclusion, une résolution contre la logique de guerre aurait pu passer au Parlement quitte à ce que les groupes qui voulaient aller plus loin dans leur dénonciation de l’intervention américaine fassent une déclaration commune. Le fait d’isoler le camp de la guerre et de le mettre en minorité était de facto une nécessité qui ne laissait pas le Parlement sans voix et tout aussi désorienté que le Conseil.

Cher Paul, je ne puis malheureusement pas te promettre que dans les jours, semaines, mois ou années à venir, mon caractère d’enfant gâté anti-autoritaire et spontané ne surgisse à nouveau au détour d’un événement imprévu.

Sache cependant que je garde tout mon respect pour toi, ce qui, il est vrai, n’est pas le cas pour beaucoup de collègues de la GUE. Et je tiens tout de même à préciser qu’il y a aussi à la GUE quelques collègues que je respecte profondément.

Vinceremos !

Voir la présentation de la situation.



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