Banque européenne d’investissements
Rapport annuel 1999

24 janvier 2000

Banque européenne d’investissements
Proposition de résolution du Parlement européen sur le rapport annuel 1999 de la Banque d’Investissement Européenne.

 Le Parlement européen,

 vu les articles 266 et 267 du Traité instaurant la Banque d’investissement et le protocole annexé au Traité réglant le statut de la Banque ;
 vu le 42me rapport annuel (1999) de la BEI ;
 vu l’article 163 de son règlement ;
 vu les conclusions des Conseils Européens de Dublin (1998), de Cologne 1999, d’Helsinki et de Lisbonne ;
 vu son rapport sur le capital risque (rapport Skinner ; A5-235/2000)
 vu son rapport sur les grandes orientations des politiques économiques des États membres (rapport Katiforis, A5-134/2000)
 vu sa résolution du 10 octobre 2000 sur une programme européenne sur le changement climatique (A5 -270/2000) ;
 vu le discours du Président MAYSTADT devant la Comité du Contrôle Budgétaire le 10 juillet 2000 ;
 vu les rapports de l’unité d’évaluation interne de la BEI ;
 vu l’avis du Comité économique et social sur le rôle de la BEI dans la politique régionale européenne ;
 vu le rapport de la commission économique et monétaire (A5-xxx/2000)

 Considérant

A. Considérant que la BEI a été créée par le Traité instituant les Communautés Européennes comme leur instrument de financement privilégié afin d’atteindre leurs objectifs, et que cette mission a été confortée par l’Union Européenne ;

B. Considérant que la contribution de la BEI aux objectifs de l’Union a été réaffirmée par les Conseils européens de Helsinki, Berlin et Cologne (1999) ainsi que celui de Lisbonne ;

C. Considérant que les encours de prêts sur ressources propres et les garanties atteignent 193 milliards d’euros à fin septembre 2000 ;

D. Considérant que les prêts accordés en 1999 ont augmenté de 8 % par rapport à l’année précédente et se montent à 31.8 milliards, dont 27.8 dans les pays de l’Union (87 %) ; 2.4 pour les pays candidats à l’adhésion (Chypre comprise, hors Turquie) ; 0.8 pour les pays du partenariat euro-méditerranéen (hors Chypre) ; 0.3 pour les pays ACP ; 0.46 pour les autres pays du Tiers Monde et 0.06 pour les Balkans ; soit au total 120 pays ;

E. Considérant que la BEI intervient donc essentiellement dans le cadre de l’U.E., où elle participe à des projets représentant 5 % de l’investissement total, ce qui lui confère un rôle majeur dans l’orientation de l’investissement européen ;

F. Considérant que dans l’Union et les pays candidats elle doit veiller au respect de l’acquis communautaire tout en agissant principalement de sa propre initiative, avec ses fonds propres ou ceux qu’elle collecte sur le marché ;

G. Considérant que dans les autres pays elle intervient sur mandat de la Commission et gère des fonds du budget de l’Union ou garantis par l’Union ;

H. Considérant que, dans son action hors mandat, elle dispose essentiellement de l’avantage que lui procure sur le marché des capitaux sa cotation AAA et la garantie que peut apporter l’Union ;

I. Considérant qu’en outre, mais pour le seul cas des investissements environnementaux dans le partenariat euro-méditerranéen, l’Union accorde une bonification de 3 % du taux d’intérêt ;

J. Considérant que les encours de la BEI relèvent, à la fin septembre 2000, à 30 % du risque projet ou entreprises, à 35 % du risque bancaire (soit qu’une autre banque garantisse les prêts de la BEI, soit qu’elle-même prête à une autre banque), à 34 % du risque souverain et à 1 % du risque en fonds propres (interventions du Fond Européen d’Investissement contrôlé majoritairement par la BEI depuis juin 2000) ;

K. Considérant que le conseil d’administration de la BEI a adopté en janvier 1999 un plan d’activité de la banque (PAB) pour la période 1999-2000 ; que ce PAB fixe trois "priorités absolues" (le développement régional et la cohésion de l’Union ; le capital humain santé-éducation, le financement de PME en capital risque) et deux "priorités élevées" (les réseaux de transport transfrontaliers et l’environnement) ; que ce PAB prescrit que les décisions de financement reposeront sur trois "piliers" (la cohérence de chaque opération avec les objectifs prioritaires de l’Union, la qualité et le bien-fondé de l’investissement considéré, l’intérêt financier particulier que présente le recours aux ressources de la BEI) ;

L. Considérant que l’Union européenne s’est assignée un projet d’excellence dans le domaine des nouvelles technologies et que ce projet implique des investissements considérables dont l’expérience des États-Unis nous a donné la mesure ; que l’Union européenne s’est également fixée des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui deviennent contraignants dans un délai de huit ans ; que le Parlement a déjà diagnostiqué qu’en l’état actuel des choses ces objectifs risquent de ne pas être atteints compte tenu du taux de croissance actuel et du contenu en CO2 de cette croissance ; que le Parlement européen a également souligné l’importance toute particulière que revêtait le financement en fonds propres des PME ;

M. Considérant que l’action de la BEI est le moyen privilégié dont dispose l’UE pour combler son déficit d’investissement dans ces trois domaines ; que la BEI intervient pour 75 % à travers des prêts ciblés et intensifiés ; pour 20 % à travers des "prêts globaux" à des banques locales qui elles-mêmes répartissent ces crédits ; et pour 5 % à travers le FEI qui lui-même fonctionne comme un "fond nourricier" (feeder) des fonds locaux d’investissement ;

N. Considérant que l’importance de la BEI dans le dispositif institutionnel de l’Union, la masse des crédits qu’elle gère, dont certains ont pour origine le budget de l’Union, l’impact de ces interventions en matière de cohésion sociale, interrégional et dans l’environnement, justifie une surveillance rapprochée par les institutions de l’Union et la société civile, en particulier la Cour des Comptes Européenne, l’OLAF, et les Organisations Non Gouvernementales ;

O. Considérant que la BEI fait valoir que son statut d’institution financière relève des méthodes classiques de contrôle interne et externe du secteur bancaire, et notamment de son Comité de Vérification (Audit Committee) ; que bien entendu lorsqu’elle mobilise des fonds communautaires (prêts sur mandat et prêts bonifiés), elle relève également du contrôle de la Cour des Comptes ; que néanmoins son Président a fait part de sa disponibilité à collaborer avec l’OLAF au Parlement, au Conseil et à la Commission, dès novembre 1999 ; qu’un jugement est attendu de la Cour Européenne qui déterminera avec précision ce qui relève obligatoirement de l’OLAF dans l’activité de la BEI ;

P. Considérant que les ONG réunis dans le CEE Bankwatch Network s’alarment de l’opacité de la justification des projets soutenus par la BEI, de l’absence de débat public pour leur évaluation, a priori et a posteriori, et considèrent que la BEI manque de volonté et de personnel pour évaluer l’impact économique, écologique et social des ses projets ; considérant que cette dernière critique est confirmée par la récente publication des premiers rapports de l’unité d’évaluation interne (Ex-post Evaluation Unit) de la BEI, qui soulignent que la plupart des projets étudiés manquent d’études d’impact et de justifications a priori, et encore plus d’évaluation ex-post des résultats acquis ; que lorsque celle-ci peut être faite, elle révèle trop souvent l’absence d’impact positif des réalisations ; que la conformité aux objectifs prioritaires de l’Union est rarement prise en compte explicitement dans leur justification ; que bon nombre des projets retenus par la BEI aurait sans difficulté trouvé un autre financement ; qu’en somme les "trois piliers" du PAB ne sont guère respectés ;

Q. Considérant que la BEI oppose à ces critiques les nécessités du secret commercial, mais s’est publiquement et profondément engagée dans un mouvement de divulgation (disclosure) de l’information visant à porter au débat public les éléments qui lui manquent ;

R. Considérant que les mêmes inquiétudes sont encore accrues dans le cas des prêts globaux et des investissements du FEI, diffusés en dizaines de milliers de petits projets, ce à quoi la BEI répond que c’est la responsabilité des banques et des Fonds d’Investissement de lui faire rapport sur la conformité des projets financiers avec les objectifs de l’Union ;

 Le Parlement

1. Félicite la BEI pour sa contribution de plus en plus marquée à l’effort de cohésion sociale interrégionale, aujourd’hui étendue aux pays candidats à l’adhésion ;

2. Invite la BEI à étendre son action vers l’ensemble des Balkans ; lui suggère de négocier avec chaque pays candidat et avec les pays balkaniques un plan d’investissement stratégique permettant d’intégrer les projets successifs dans une vision d’ensemble à moyen terme prenant en compte les engagements réciproques de l’UE et du pays considéré ;

3. Approuve chaleureusement le Plan 1999-2000, ses trois priorités et ses trois piliers ; note toutefois que les engagements de l’Union européenne à la Conférence de Kyoto constituent la seule contrainte ayant le caractère d’un traité international quant à la nature des investissements en Europe, et que le choc pétrolier de l’an 2000 souligne cruellement la dépendance de l’Union européenne à l’égard du pétrole ; en conséquence recommande fermement, pour les plans suivants, de promouvoir l’environnement et plus particulièrement la lutte contre l’effet de serre au rang de priorité absolue, le financement des réseaux de transports étant un objectif subordonné à cette priorité absolue ; invite la BEI a approfondir les études sur la contribution réelle des investissements publics au développement régional ;

4. S’inquiète à cet égard du poids relatif de financement des projets autoroutiers et transport aérien par rapport au rail et aux transports en commun dans le bilan 1999 ; s’étonne de ce que la part des énergies renouvelables dont le total des montants accordés par la BEI au secteur de l’énergie reste inférieure à la part actuelle de ces énergies dans la satisfaction des besoins de l’UE (6 %), et qu’en conséquence la BEI ne contribue nullement à accroître le poids relatif des énergies renouvelables ; appelle la BEI à être à l’avenir beaucoup plus sélective dans le choix des projets de transports trans-européens et de production d’énergie, et à prendre en compte explicitement le tonnage de gaz carbonique évité dans le choix des projets qu’elle soutient ;

5. Reconnaît que la BEI doit le plus souvent endosser les décisions préalables des États, dans le choix des techniques de transport ou de production d’énergie, et n’a d’autre incitation à faire valoir que sa cotation AAA ; en conséquence appelle les États membres et les pays associés à prendre en compte dès l’origine les objectifs de l’Union et à y associer la BEI dès les premières étapes ; appelle la Commission et le Conseil à étendre rapidement ( pour l’ensemble des pays candidats d’abord, pour l’UE ensuite) le mécanisme de bonification des taux d’intérêt dont bénéficie la BEI à tous les projets de transport et de production d’énergie renouvelable lorsqu’ils sont propres à favoriser le respect des engagements de Kyoto ; suggère à la BEI et à la Commission d’étudier avec la BCE les moyens de refinancer à taux exceptionnellement bas les investissements rendus nécessaires par les critères de Kyoto ;

6. Invite la BEI à concentrer son concours à la "e-Europe" sous la forme de financement des infrastructures (autoroutes de l’information) et de formation de capital humain ; considérant que les fonds de capital-risque sont surabondants pour les entreprises naissantes de l’informatique et du multimédia, appelle la BEI et le FEI à concentrer leurs efforts sur le financement des PME des autres branches plus délaissées par la Bourse ;

7. Appelle la BEI et la Cour des Comptes à coopérer étroitement lorsque des fonds communautaires sont en jeu ; reconnaît que la Cour des Comptes n’est pas un instrument adéquat pour contrôler l’activité d’une banque d’investissements ; affirme néanmoins que la BEI doit être responsable devant le Système européen des Banques Centrales comme toute banque commerciale l’est devant la Banque Centrale de son propre pays ; suggère, dans ce sens, la nomination d’un représentant de la BCE au Comité de Vérification ; salue la volonté du Président de la BEI de coopérer avec l’OLAF ;

8. Se réjouit du mouvement de divulgation (disclosure) de l’information annoncé par la BEI ; félicite la BEI pour la publication des rapports de son Unité d’évaluation et l’invite à les mettre à disposition sur son site web ; invite la BEI à s’inspirer des meilleures pratiques des Institutions de Financement International (banque mondiale, BERD) dans leurs rapports avec les Organisations Non Gouvernementales, en amont et en aval des projets qu’elles financent, et à les associer notamment au débat public sur le choix des options techniques, comme à l’évaluation sur le moyen terme des résultats obtenus ; considérerait normal que la BEI étoffe son personnel d’évaluation des projets (notamment sur le plan environnemental) afin d’intensifier ses contrôles sur les projets et son dialogue avec la société civile ;

9. Reconnaît que la réforme des liens entre la BEI et le FEI ne peut qu’accroître la flexibilité et le champ d’initiatives du FEI ; appelle toutefois la BEI et le FEI à resserrer leur contrôle sur l’usage des prêts globaux et des fonds propres investis, afin de mieux évaluer leur conformité aux "priorités" et aux "piliers" du P.A.B. ; leur suggère pour cela de recourir aux méthodes de certification et d’évaluation déléguée, et d’associer les Organisations Non Gouvernementales à la définition de ces procédures de certification ;

10. Demande à sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’à la BEI et aux parlements des États membres.


Voir la présentation de la situation.



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