Rapport Sörensen sur le trafic de femmes
Lettre aux députés du groupe Verts-ALE

14 juin 2000

Dans un texte sur la prostitution, il est important de distinguer la "prostitution forcée" de la "prostitution libre", c’est-à-dire celle qui est contrôlée par des réseaux de proxénétisme et celle qui ne l’est pas. Nous sommes abolitionnistes, pas prohibitionnistes.

Strasbourg, le mercredi 14 juin 2000

Cher(e)s Ami(e)s

Nous avons regretté la rapidité et le caractère superficiel du débat du groupe Verts-ALE préalable au vote du rapport Sörensen à propos du trafic des femmes. Le point important était la présence de l’expression "prostitution forcée", qui revenait à plusieurs reprises dans ce texte, texte qui - rappelons-le - traitait non pas de la prostitution mais du trafic et du proxénétisme.

Comprenons-nous bien. Dans un texte sur la prostitution, il est important de distinguer la "prostitution forcée" de la "prostitution libre", c’est-à-dire celle qui est contrôlée par des réseaux de proxénétisme et celle qui ne l’est pas. Nous sommes abolitionnistes, pas prohibitionnistes. Nous considérons qu’une personne a le droit de se prostituer. Ce que nous refusons, en revanche, c’est l’exploitation de son activité par autrui (trafiquants, proxénètes, tauliers…). En cela nous sommes fidèles à la Convention de l’ONU de 1949 qui interdit aux États d’imposer aux prostituées quelque réglementation particulière que ce soit (article 6), et donc leur reconnaît l’ensemble des droits notamment civiques et sociaux de la Déclaration Universelle.

Dans un texte sur le proxénétisme ou le trafic, en revanche, parler de "prostitution forcée" signifie qu’il pourrait y avoir un "trafic de prostitution libre", ce qui est au mieux ridicule (mieux vaut parler dans ce cas d’agence de voyages !), au pire hypocrite. On laisse aux proxénètes la possibilité de dire : "Mais je croyais qu’elle voulait vraiment être prostituée en passant par mes services !", ce qui renvoie la charge de la preuve sur la victime (c’est-à-dire la personne prostituée).

Cette confusion entre les deux débats (prostitution et trafic) avait été signalée au groupe, l’opportunité d’évoquer un "trafic de prostitution libre" n’avait pas été défendue par quiconque, pourtant la liste de vote a écarté le soutien aux amendements évitant cette absurdité, si ce n’est par une note manuscrite rajoutée au dernier moment et semblant ne concerner que l’un d’entre nous. Cette négligence prenait dès lors l’apparence d’une faute politique (le groupe Verts-ALE semblant se ranger dans le camp des défenseurs d’un "libre trafic de prostitution libre"), faute que n’ont pas manqué de relever le lobby européen des femmes et le Centre pour une politique contre la violence envers les femmes (cf. Agence Europe du 07/06/2000).

Pour éviter de tels dysfonctionnements (qui pourraient se reproduire lors de prochains débats sur la Charte des droits fondamentaux, Beijing +5, etc.), il serait souhaitable que le groupe prenne le temps d’organiser un véritable débat sur le sujet.

Bien cordialement,

Danielle AUROI, Hélène FLAUTRE, Alain LIPIETZ, députés Verts au Parlement européen


Voir la présentation de la situation.



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