Le Parisien
Le retour en force de Lipietz
Entrevue

25 novembre 2002

Dans toute la France, les écolos préparent leur congrès des 14 et 15 décembre. Ce week-end-là, Voynet s’effacera. Surprise : sur la foi des premiers votes enregistrés, notamment hier en Ile-de-France, Alain Lipietz devrait être le nouveau patron des Verts.

Alain Lipietz avait été désigné un moment par les militants Verts pour être leur candidat à l’Élysée. Avant d’être écarté par Dominique Voynet au profit de Noël Mamère.

On vous donne déjà vainqueur du prochain congrès Vert...

Alain Lipietz. Oui. La motion Désir de Vert que je défends avec Marie-Christine Blandin (NDLR : ex-présidente du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais) , Martine Billard, Yves Contassot et plusieurs députés européens rencontre un franc succès chez les militants : en Île-de-France, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans le Nord-Pas-de-Calais et dans plusieurs départements, comme la Gironde. Désir de Vert va donc être, selon toute vraisemblance, le nouveau courant majoritaire. Nous proposons un retour aux sources.

« Je dis à Voynet et Mamère : Ne boudez pas... »

Vous aviez été écarté de la course à l’Elysée au profit de Noël Mamère. C’est une revanche personnelle ?

Non. Je n’ai ni haine ni rancœur. A l’époque, je me suis retrouvé face à l’opposition très forte d’une partie de la presse et de l’appareil des Verts : il y avait une cabale contre moi. Mais j’ai joué le jeu honnêtement en participant à la campagne de Noël. Aujourd’hui, c’est un juste retour des choses. Disons que c’est une revanche de la démocratie.

Mamère et Voynet vont-ils être marginalisés ?

Nous voulons l’éviter. C’est pour ça que je leur tends la main. Il faut que, dans ce parti, chacun se sente bien dans sa peau. Désir de Vert prône la réconciliation. Cela dit, si les militants votent pour notre motion et pas pour la leur, c’est qu’il doit y avoir une raison.

Peuvent-ils être tentés de quitter les Verts ?

Ce serait une grave erreur. Je pense qu’ils ont médité les leçons de l’histoire. Tous les anciens candidats écolos à la présidentielle qui, comme Brice Lalonde et Antoine Waechter, ont tenté une expérience en dehors du mouvement, ont échoué. Et se sont retrouvés marginalisés. Je dis donc à Dominique et à Noël : « Ne boudez pas. Travaillons ensemble... »

Voynet est favorable à une UMP de gauche...

Moi, j’espère qu’elle ne verra jamais le jour. Pour les Verts, le parti unique serait dramatique car nos idées en matière de nucléaire, d’OGM ou d’économie solidaire, sont très loin des positions du PS. Oui à un contrat de gouvernement, mais sur la base d’un vrai rapport de forces.

Certains estiment que votre retour entraîne les Verts dans une dérive gauchiste...

Tout d’abord, si j’arrive en tête, j’annonce tout de suite que je ne serai pas le prochain secrétaire national des Verts, même si je pèserai évidemment sur la ligne. Nous choisirons pour cela quelqu’un qui a soutenu notre motion, mais qui n’est pas forcément connu du grand public : le secrétaire national n’a plus vocation à être aussi médiatisé qu’avant. On me suspecte de gauchisme ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Je n’ai jamais méprisé les réformes. Et, contrairement à une fraction de l’extrême gauche, je ne crois pas qu’il faille attendre le grand soir pour améliorer le monde dans lequel nous vivons. Je ne suis jamais tombé dans ce genre d’enfantillage.

Les chefs des Verts se chamaillent, dit-on, mais oublient souvent l’écologie...

C’est en partie vrai. Nous sommes très présents dans les luttes sociales et environnementales. Des militants écolos ont été, par exemple, condamnés en même temps que José Bové pour avoir arraché des plants transgéniques. Mais on ne peut pas nier que les querelles incessantes de nos dirigeants ont provoqué un profond désarroi chez nos militants et sympathisants. Nos résultats électoraux en ont pâti. Il faut tourner cette page.

Propos recueillis par Frédéric Gerschel

Entrevue parue dans

Le Parisien.com

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