OGM
Il faut faire pression

17 avril 2000

Le 17 avril 2000, Thierry Raffin, animateur d’une des listes internet de lutte contre les OGM, proposait de s’adresser aux députés nationaux pour faire pression sur les députés européens.

Je lui ai répondu par la lettre suivante

Cher Monsieur,

Membre du Parlement européen, ayant voté, comme la majorité de mes collègues, et la prohibition des gènes de résistance aux antibiotiques, et la responsabilité civile des producteurs d’OGM, je partage entièrement votre combat.

Je m’étonne cependant de la cible que vous proposez, qui me paraît bien tardive ! Si vous vouliez vous adresser aux députés européens, c’est avant le vote qu’il fallait le faire ?

Vous semblez savoir qu’à ce vote il fallait la majorité absolue des membres (314). En effet. C’est qu’il s’agissait de la seconde lecture, et par cette sorte de Sénat qu’est le Parlement européen. Ce n’est pas une " règle antidémocratique ". C’est une règle courante àce stade de la procédure : tous les statuts, même des ONG, prévoient en général que, si l’on veut encore changer, il faut une vraie majorité, et qu’en cas de bicamérisme une des chambres a le pas sur l’autre. Le Parlement européen n’a pas le dernier mot, parce que l’opinion européenne est encore insuffisamment fédéraliste, et préfère être principalement représentée à travers les nations. Le Parlement européen a une majorité de droite, grâce aux électeurs espagnols, italiens, anglais et allemands. Heureusement, la gauche et les écologistes se sont montrés la semaine dernière plus mobilisés que la droite (et encore une partie d’entre nous, qui avions quitté la salle au moment de l’intervention du président autrichien, n’était-elle pas rentrée en séance au moment d’un de ces votes), mais cela n’a pas suffi pour arracher une majorité absolue.

Alors qui blâmer ? Eh bien ceux qui en première lecture ont arrêté le texte à amender, et qui vont maintenant l’examiner en " conciliation " (car nous avons quand même pu passer des amendements mineurs), selon la procédure de " codécision " avec notre chambre, c’est à dire non pas , comme vous le dites, la Commission, qui est l’exécutif, mais bien le Conseil européen, c’est à dire l’assemblée des ministres des 15 pays de l’Union. C’est eux qui constituent l’assemblée législative décisive, c’est eux qui ont, depuis 1998, avancé une révision laxiste de la directive OGM.

C’est donc à eux qu’il faut maintenant s’adresser, avec la force qui nous aurait bien aidés la semaine dernière. Nous comptons sur vous.

Vous préférez vous adresser aux députés nationaux pour qu’ils s’adressent à nous " si loin ". Ce choix est aussi injuste et inutile que blessant. Vous nous avez élus le plus récemment (en juin dernier), et cette fraîcheur se reflète dans notre majorité anti-OGM.

Les députés nationaux ont été élus il y a plus longtemps, à une époque où le poids des préoccupations écologistes était moins sensible, et cela se reflète dans la composition des gouvernements qui, à leur tour, composent le Conseil européen.

Si donc vous mobilisez les députés nationaux, demandez leur donc de s’adresser à ceux qui ont encore un mot à dire : les gouvernements nationaux. Mais attention : les députés de la droite française ("si proches" ?) ont voté à Strasbourg contre nous !

Je vous invite donc à réfléchir à l’opportunité d’ viter une absurde bataille contre de vilains députés européens (qui pourtant ont majoritairement voté avec vous) et à vous rendre compte que la vraie bataille se passe entre pro et anti-OGM, aux niveaux français et européen.

Cordialement,


Voir la présentation de la situation.



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