Hommage à Francine Comte-Ségeste

25 septembre 2010 par Alain Lipietz

Hommage à Francine Comte-Ségeste


Message au Colloque du CNDF
"Faire et écrire l’histoire : féminisme et lutte de classes, de 1970 à nos jours"
25 septembre 2010

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Chères ami-e-s,

C’est avec une profonde émotion que j’ai appris votre intention de dédier ce colloque à celle qui fut ma compagne au long de trente-cinq ans de luttes : Francine Comte.

Née féministe, quoique croyante, Francine rejoignit le mouvement des femmes par sa tendance « lutte de classes », au début des années 70.

Pour notre groupuscule d’alors, elle fut la principale rédactrice de la brochure Femmes, exploitées, opprimées, osons lutter. Elle créa le groupe « Femmes travailleuses en lutte » du XIIIè arrondissement, où elle soutenait les grèves des caissières des supermarchés, puis rejoignit le regroupement « Femmes en lutte ».

Mais cela ne l’empêchait nullement de se préoccuper des problèmes communs à toutes les femmes. Animatrice du groupe Maternité de Paris, elle écrivit dans les années 80 un livre merveilleux d’empathie et de sensibilité dialectique, Jocaste délivrée.

De même, son infinie générosité sut s’ouvrir à d’autres tendances féministes : au féminisme sociologisant de Question féministes (elle soutint la thèse de la « classe des femmes » de Colette Guillaumin), comme au féminisme de la différence chez Luce Irigaray.

Elle vécut dans l’amertume les divisions que vous abordez dans votre troisième session, quand certains courants semblèrent opposer le féminisme à la solidarité antiraciste avec les femmes immigrées.

Mais jusqu’à la dernière année de son long calvaire elle tint vaillamment sa place auprès du CNDF, rentrant épuisée de ses dernières manif. Elle admit enfin qu’elle pouvait rester utile à la cause des femmes en achevant son œuvre littéraire, ses poèmes et nouvelles.

Sur son lit de mort elle acheva ses romans qui creusent si profondément au cœur des contradictions de l’émancipation des femmes : La femme à la fenêtre et Perséphone en Personne. Romans qu’elle signa d’un nom qui n’était ni celui de son père, ni de son mari, ni le mien, mais le nom d’un paysage qu’elle aimait : Francine Ségeste.

Francine, une femme qui s’est engendrée elle-même, dans la lutte commune et dans l’amour de ses sœurs.

Alain Lipietz

Retrouvez ici l’œuvre politique et littéraire de Francine, des photos et les hommages de ses ami-e-s.



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