Histoire et justice : Le procès G. Lipietz contre Etat et Sncf pour participation à la Shoah

16 octobre 2010 par Alain Lipietz

Colloque « Faire justice »

 Histoire et justice : Le procès G. Lipietz contre Etat et Sncf pour participation à la Shoah

 13e Rendez-vous de l’Histoire, Blois, 16 octobre 2010

Communication, 11h 15 -12 h15, salle 212, Antenne universitaire.

Résumé

De 1947 à 2001, la jurisprudence du Conseil d’Etat interdit de demander une indemnisation à l’Etat pour les actes du « gouvernement illégal de Vichy ». Aussitôt levée cette amnistie de droit, G. Lipietz et son frère demandèrent une indemnisation pour la partie française de leur déportation (Toulouse-Drancy, transport par Sncf sous garde française). La Sncf étant une entreprise de droit privé, elle fut distinguée du reste des appareils d’Etat. En 2006 le Tribunal administratif de Toulouse condamna les deux sujets de droit, Etat et Sncf.

Seule la Sncf fit appel et gagna en plaidant l’incompétence des tribunaux administratifs. La famille Lipietz reçut de nombreuses critiques dont aucune ne concernait la culpabilité de l’Etat, mais exclusivement celle de la Sncf. Ce corpus soulève une série de questions :

 La question de l’amnistie et du délai pour demander justice (débat surtout porté dans les anciennes dictatures, Espagne et Amerique Latine, qui couvrirent largement le jugement de Toulouse.)

 La responsabilité d’une personne morale (le chef de gare de Toulouse, ayant été exécuté sur le champ par les FFI à la Libération, ne pouvait faire l’objet d’un procès au pénal).

 Le fond , c’est-à-dire la responsabilité réelle de la Sncf. Ce dernier débat provoqua une série d’articles et d’émissions de télévision qui remirent sérieusement en question l’image convenue de « la Sncf, entreprise résistante ».

Dans ces débats, les historiens prirent des positions contrastées. Ceux qui détenaient une position officielle sur les travaux concernant l’occupation critiquèrent sous divers angles le procès et les archives utilisées. Au contraire, les historiens moins connus parce que s’occupant de domaine plus « pointus » (aspects français de la Shoah, camps du Loiret, histoire des chemins de fer) soutinrent au contraire cette opportunité d’avancer dans la connaissance. Le seul historien à avoir consacré une étude à la Sncf sous l’occupation, M. Bachelier, rapport sur lequel s’appuyaient largement les demandeurs, disparut pendant tout le débat.

Enfin, à la question décisive « A quoi sert-il de rendre justice, sur un fait historique ? », le Secrétaire général de la Sncf, Paul Mingasson, répondit en écartant la valeur pédagogique de la Justice. A l’accusation principale (ne pas avoir donné d’eau pour ces trajets dantesques, contrairement aux stipulations du « télégramme Bousquet » pourtant rédigé après réunions « techniques » Polices-Sncf sur l’organisation de la déportation, et avoir même protesté contre les tentatives des humanitaires d’en distribuer), il répondit « Aujourd’hui comme à l’époque, le métier de la Sncf est de faire rouler les trains. » (France Culture, 21.9.2006)

 Texte intégral, version révisée du 20 oct 2010

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