Réponse à Biba (non publiée)
Des écolos pas si nuls

1er novembre 1998 par Alain Lipietz

C’est avec un agacement amusé que je découvre dans le cher BIBA de ma fille (numéro d’octobre 1998) la charge de Romain Bassoul " Avons-nous les écolos les plus nuls du monde ? ". Cet article reflète une réelle sympathie ; il souligne l’injustice des institutions françaises qui minorent notre représentation et limitent la portée de l’adhésion des électeurs aux idées " vertes " ; il témoigne d’une compréhension des raisons qui ont élargi l’horizon des Verts, de " l’environnementalisme " à " l’Écologie Politique ".

Pourtant, cet approfondissement de notre réflexion, l’auteur la condamne, avec une certaine injustice, d’où mon agacement. Nous en ferions trop pour les 35 heures et les immigrés, pas assez pour l’environnement, et notre ministre n’avalerait que des couleuvres sans rien obtenir.

Je laisserai volontiers Dominique répondre sur ce dernier point : pourquoi pas une interview ? Ou une page de ses " victoires " en face du pointage de ses rebuffades ? Et d’ailleurs, à qui s’adresse la critique ? À elle, à nos partenaires de la gauche plurielle ? À l’auteur lui-même, qu’on ne voit guère dans les manifs contre l’enfouissement des déchets nucléaires ou pour la Vallée d’Aspe ? À Biba, qui aurait pu se saisir de la Journée " En ville sans ma voiture ? ". Aux électeurs, qui votent très majoritairement pour les partis pro-chasse et pro-nucléaire, alors qu’ils sont majoritairement contre ?

Non, ce qui me pique, c’est le reproche de s’intéresser aux relations entre les humains au moins autant qu’aux relations des humains avec les plantes et les animaux. Reproche d’autant plus surprenant que Biba avait cité, avec une certaine sympathie, mon engagement pour la parité, vieux combat des Verts depuis 1984, au même titre que la lutte pour le PACS ou l’extension du temps libre (autres préoccupations de Biba !) ou pour le respect des droits des immigrés. " Nobles causes, mais quel rapport ?" demande Romain Bassoul.

M’enfin ! Que dirait-on d’un spécialiste de l’écologie des castors qui ne s’intéresserait ni à la sexualité des castors, ni à leur habitat, ni à leur technique de construction des barrages ? Pour qui " l’écologie des castors " se réduirait à l’effet de ces barrages sur le cours des rivières ou sur les forêts d’alentour ? Après les grandes conférences de l’ONU sur l’écologie humaine (Rio, Copenhague, le Caire, Beijing), il y a donc encore des journalistes pour refuser d’admettre que, si les rapports entre l’humanité et la nature sont mauvais, c’est que les rapports entre les humains sont eux-mêmes pervers ?

" L’homme est un loup pour l’homme (et encore plus pour la femme ajouterait-on) ". C’est très injuste pour le loup. L’Homme est bien pire que le loup, et il n’est pas une des pollutions dénoncées par Romain Bassoul (des nitrates dans l’eau à l’air de nos villes) qui ne trouve sa source dans une déplorable organisation économique et sociale.

Commençons par le commencement, ce qui ne nous dispense pas d’apprendre à vivre avec les loups.



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